Vos coups de coeurs, vos conseils

UN AMOUR IMPOSSIBLE (2018)

On pourrait nommer cette chronique ” Trois femmes” , elles seraient Christine Angot , l’auteure du roman autobiographique, Catherine Corsini, la réalisatrice , et Virginie Efira qui de film en film s’avère être une très grande actrice. Cette année dans “Les enfants des autres” et “L’amour et les forêts”, elle évoque de plus en plus Romy Schneider.Les plus anciens savent qu’Ingrid Bergman et Gary Cooper étaient tombés amoureux pendant un tournage; Il semblerait que Virginie et Niels Schneider aient vécu le même sort à Châteauroux en 2017. Le roman autobiographique de Christine Angot est adapté avec beaucoup de finesse et de sensibilité par Catherine Corsini . le film s’étale sur une trentaine d’années avec une unité de lieu : Châteauroux, La mise en scène est d’une grande finesse. Nous sommes témoins d’un  drame humain bouleversant aux dimensions et au cheminement insoupçonnés. Un amour impossible est un modèle de ce que peut produire le cinéma français. Une idée peut-être pour une prochaine séance ?

En 1927 la Warner sort LE CHANTEUR DE JAZZ (The Jazz Singer).

Ce n’est pas stricto sensu le premier film utilisant un procédé de synchronisation entre le son et l’image (la Warner avait fait des essais en 1926 avec Don Juan et surtout le court métrage A Plantation Act) mais la publicité et le succès public du film feront du Chanteur de Jazz le premier film parlant de l’Histoire et de la génialissime réplique (déjà présente dans A Plantation Act) « Wait a minute, wait a minute, you ain’t heard nothin’ yet! » face caméra (et donc en s’adressant au spectateur) la toute première première réplique du cinéma.

Ceci est une révolution (comme aurait dit Steve Jobs) et pour Hollywood c’est une nouvelle opportunité. Celle de reproduire au cinéma les succès des grandes comédies musicales de Broadway.

C’est cependant la crise de 1929 qui va faire de la comédie musicale un genre majeur à Hollywood. Face à la désertion des salles, Hollywood bascule dans le pur « entertainment ». Il faut sortir les spectateurs de leurs soucis quotidiens. L’usine à rêves est née. Le premier âge d’or de la comédie musicale américaine est lancé. Il durera 10 ans.

Pour les studios débute une course pour dénicher les meilleures pépites. Et c’est la RKO, la plus petite des 5 Majors (Paramount, MGM, Fox, Warner, RKO), qui va tirer le gros lot.

En 1933 le studio va associer dans Carioca (Flying Down to Rio) un certain Frederick Austerlitz (dit Fred Astaire), total inconnu à Hollywood et sans aucun avenir (« Can’t sing. Can’t act. Balding. Can dance a little. » dit la légende – « Ne peut pas chanter. Ne peut pas jouer. Calvitie. Peut danser un peu ») et une jeune actrice qui commence tout juste à percer : Ginger Rogers. Cette association est un peu le fruit du hasard, Ginger Rogers remplaçant au pied levé (c’est le cas de le dire) l’actrice initialement prévue. Ce sont les seconds couteaux du film (4ème et 5ème au générique) mais on ne voit qu’eux à l’écran. Un couple mythique vient de naitre : Ginger et Fred. Ils vont devenir le mètre étalon de la comédie musicale des années 30 … voir même de toutes les comédies musicales.

Ils vont tourner 10 films ensemble (9 entre 1933 et 1939 avec la RKO et 1 en 1949 avec la MGM) parmi lesquels 7 d’entre eux (de 1934 à 1938) forment une sorte d’Himalaya de la comédie musicale. La quintessence du genre en quelque sorte.

J’aurais pu choisir Swing Time (Sur les ailes de la dance – Georges Stevens – 1936) qui d’un point de vue chorégraphie et prestation du couple est certainement le plus abouti. Mais voilà, Swing Time c’est le K2. Au-dessus il y a l’Everest : Top Hat (Le danseur du dessus – Mark Sandrich – 1935).

Alors c’est quoi Top Hat ?

D’abord Top Hat c’est avant tout un excellent vaudeville. C’est drôle, les dialogues fusent, les situations cocasses s’enchainent. Rien d’exceptionnel mais une vraie bonne comédie.

Top Hat c’est bien sûr le couple Ginger Rogers et Fred Astaire. Le premier adjectif qui vient à l’esprit en les regardant danser c’est « harmonie ». Ce ne sont pas deux danseurs, c’est un couple.

Ginger et Fred, c’est la grâce, la légèreté. Quelque chose en rapport avec l’Ether.

Et en même temps c’est une prestation physique hors norme qui passe complètement inaperçue et ça c’est assez génial. Une seule prise par numéro. Des plans longs, très peu de coupure. Ce sont les artistes qui créent le spectacle, pas le monteur (on ne peut pas en dire autant aujourd’hui).

Et puis Top Hat ce sont les chansons Irving Berlin composées pour le film, dont la célèbre « Cheek to cheek » (Heaven, I’m in heaven …)

Top Hat c’est également des décors en carton-pâte (les chambres d’hôtel, Venise …) complétement assumés qui donne cet aspect irréel au film, presque onirique. Totalement en cohérence avec l’histoire, les personnages, la musique, les numéros de danse …

Mais la réussite du film vient du fait qu’il s’agit d’un pur produit de studio. Du producteur (Pandro S. Berman) aux accessoiristes en passant bien sûr par le réalisateur et les acteurs, tous sont des employés de la RKO. Tous se connaissent et ont l’habitude de travailler ensemble. L’équipe est quasiment identique à « La joyeuse divorcée » (The gay divorcee – 1934). Le seul changement d’importance est l’arrivée d’Helen Broderick qui a l’air de s’amuser comme une petite folle. Il y a une alchimie et ça se voit.

Ce qui m’amène à mon point suivant : la place des seconds rôles. Elle est cruciale dans Top Hat. Ginger Rogers et Fred Astaire sont les têtes d’affiche mais ce sont les seconds rôles qui donnent sa consistance au film. Edward Everett Horton (le roi de la réaction à contre-temps), Eric Blore, Helen Broderick, Erik Rhodes, « seconds rôles professionnels », sont juste parfaits. Non seulement ils ont du temps de jeu, mais dans les scènes partagées avec les acteurs principaux ils peuvent passer au premier plan. Autrement dit il y a des scènes où c’est Fred Astaire qui donne la réplique à Edward Everett Horton et pas le contraire. Difficile d’imaginer ça aujourd’hui.

Et puis il y a LA scène. Cheek to Cheek et la robe de Ginger Rogers. Cinq minutes de pur bonheur. Je vous parlais d’Everest, là on touche le ciel.

Plutôt que de vous demander de me croire sur parole, je vous renvoie aux deux fantastiques hommages qui lui ont été rendus :

D’abord Woody Allen dans La Rose Pourpre du Caire. A la fin du film Mia Farrow s’installe au cinéma devant Top Hat au moment de Cheek to Cheek. Elle est dévastée. Et puis, au fur à mesure que la scène se déroule, son visage s’illumine. J’en ai encore des frissons.

Et puis Frank Darabont dans La ligne Verte. John Coffey, sorte de personnage un peu christique de bon gros géant un peu simplet, condamné à mort pour un meurtre qu’il n’a pas commis, découvre Top Hat quelques jours avant son exécution. Devant Cheek to Cheek il déclare les yeux émerveillés : « Why, they’s angels. Angels, just like up in heaven » («  Eh bien, ce sont des anges. Des anges, comme au paradis »).

Voilà. C’est exactement ça Top Hat. Un petit morceau de paradis sur grand écran.

« Heaven, I’m in heaven … »

La soirée du 28 mars est née d’une idée : la programmation de “Swing” de Tony Gatlif, liée à l’idée de faire venir 3 musiciens exceptionnels, amis de toujours, pour faire sur scène le lien musical avec le jazz manouche du film.

Mais il aurait été dommage de faire venir les artistes uniquement pour cela. Nous avons imaginé le “quizz musique de films” : ils jouaient un thème de film qu’il fallait reconnaître. il u en a eu une douzaine et c’était un plaisir que d’entendre la salle comble chanter les morceaux les plus connus.

Certains disent ” à refaire” , je dirais plus facile à dire qu’à refaire mais pourquoi pas ?

Grand succès pour le film “Swing” mardi 28 mars, précédé d’un “concert quizz” de musiques de films et d’une mini master class et démonstration de Jazz manouche par Mathilde Febrer, Antoine Tatich et Eric Gombart. Sur la photo “Minor Swing” en final